Stage avec Jacques Stotzem, une première fois et une dernière fois ....
Ce stage à Amel était spécial: officiellement, c’est l’un des tout derniers stages donnés par Jacques Stotzem. Après de longues années, absorbé par sa carrière qui prend un essor formidable, il doit faire un choix, et ce sont les weekends de stages et les workshops qui cèdent le pas pour plus de concerts et de rencontres musicales avec le public. Il termine les quelques masterclasses et workshop programmés et puis, fini.
Ces workshops ont une importance particulière dans ma vie. C’est lors de ces weekends consacrés à la guitare (ou parfois semaines entières) que la musique a pris de l’importance dans ma vie, au point de me pousser à cette envie de composer, de donner des concerts et de donner cours de guitare. J’y ai rencontré des amis, l’un ou l’autre amour de jeunesse (Scoop: la guitare, ça marche pour pécho), j’y ai appris la guitare (!) et j’y ai découvert des styles de musiques et des pièces de répertoire à explorer. J’y ai aussi fait mes premiers pas sur scène lors des concerts de stagiaires.
C’est donc avec une joie déjà empreinte de nostalgie que je me rends à Amel.
Levé tôt et arrivé sur place, je suis dans les premiers … et je commence par prendre un café.
Les stagiaires arrivent peu à peu, des têtes connues, quelques nouvelles têtes. Le stage commence par un tour de table pour décider de la répartition selon le niveau de jeu. Devant le nombre élevé de participants, Jacques m’invite à le seconder pour donner cours aux débutants. Ce n’est pas tout à fait une surprise, nous avions évoqué cette possibilité. C’est un honneur de lui prêter main forte, et je réalise un vieux fantasme. Ironie de la vie, ce sera donc une première pour moi et une dernière pour Jacques.
Au niveau du répertoire, j’ai quelques minutes pour plonger sur les tablatures du maître, je me fais aider par Gaby, son épouse, et je me constitue un ensemble cohérent de morceaux pour ces deux jours de cours. Heureusement, le programme est livré clé sur porte … quelques exercices de base consacrés au pouce, quelques exercices pour les doigts, puis FREIGHT TRAIN – un classique du picking que tout le monde « doit » jouer, puis STEP BY STEP, un morceau travaillant la sonorité et enfin ANOTHER BLUES IN E, parce que rien ne finit sans un blues. Je découvre certains morceaux en même temps que mes élèves … je les ai sans doute joués dans le temps, dans d’autres versions, mais là c’est de la lecture à vue. Heureusement que c’est le niveau débutant !
Pour mes stagiaires ce sera: séance de déchiffrage en groupe, un peu de travail individuel (souvent remplacé par une pause café et/ou cigarette) puis écoute et corrections individuelles et enfin répétition collectives. Le rythme semble lent, mais j’ai été assez longtemps assis en face pour savoir qu’il ne faut pas se hâter sur les bases ou assommer les gens sous une trop grande masse d’information. Il faut assimiler une étape (même sans savoir la jouer) avant de passer à la suivante, pour ne pas se fabriquer des fondations techniques bancales.
C’est l’heure de passer à table: soupe, petits pains fromage et charcuterie. Quand je retourne dans la région dont je suis originaire, je me réjouis toujours de manger des petits pains (ou pistolets) qui sont délicieux et me rappellent les dimanches matins de mon enfance. En allant acheter quelques bières en face je me dis qu’on y croise aussi parfois de jolies filles souriantes qui me rappellent mon adolescence, mais ce n’est pas un très bon souvenir pour le grand timide que je suis.
De temps à autre, je passe voir Jacques pour m’assurer de l’une ou l’autre position d’accords ou d’un doigté, histoire d’être cohérent avec ses exigences. J’en profiter pour espionner ce que les groupes avancés apprennent comme morceau, avec une pointe d’envie.
La première journée se termine, et nous déplaçons nos quartiers vers l’auberge de jeunesse proche pour un long apéritif, suivi d’un bon repas. Toutes les conversations tournent autour de la guitare, allant de la carrière de Jacques aux attentes de chacun, pour en arriver au matériel.
Après le dessert, les chansonniers font leur apparition et les guitares et les voix plus ou moins assurées se lancent. Il y a même quelques bons moments vocaux et musicaux. Il n’y a peut-être pas de quoi passer en prime-time à la télé, mais le plaisir est bien présent. La soirée s’étire, la marée monte et descend dans les verres, le vin succède à la bière (dans le bon ordre, car « bière sur vin, venin, vin sur bière, belle manière » ou en allemand « Wein auf Bier, das rate ich dir ! – Bier auf Wein lass das sein ! »). Les bouchons étant tirés, il fallait boire, et quand tout le vin fut bu, nous avons sagement décidé d’aller dormir. La tentation était forte de liquider le stock de bières restant, mais ça sentait le piège, et je pense qu’il n’y aurait eu que moi et une autre stagiaire motivée pour finir cette soirée. J’étais à peu près aussi ivre de musique que de vin, autant en rester là. J’avais vu le meilleur de la fête, c’est ma mort qui venait après, comme faisait dire Shakespeare à un de ces héros.
Mauvaise nuit après une journée pleine d’émotions, mais un réveil en forme malgré tout. Les idées claires, une bonne douche, et on repart pour le petit déjeuner, et pour les cours. Il nous reste deux morceaux à voir, puis les enregistrements à faire pour offrir un support audio et vidéo à chacun, pour le travail à domicile.
A la fin de la journée, avec la satisfaction du devoir accompli nous attaquons enfin (?) les bières restantes avant de replier nos bagages. Il y a assez de candidats pour les bières restantes, ce sera donc sans excès avant de reprendre la route.
Le retour à lui seul mériterait un compte-rendu à part.
Nous partons par un itinéraire alternatif via Eupen, pour éviter l’embouteillage de la fin au Grand-Prix de F1 de Francorchamps. Finalement le tuyau de l’itinéraire bis était crevé, et nous sommes pris dans un embouteillage. Depuis la voiture, j’envoie un petit SMS de remerciements à Jacques, pour toutes ces années de partage musical. Un peu plus loin il est arrêté au bord de la route, et nous décidons que tant qu’à faire d’être retardé, autant aller manger un bout quelque part.
Dans un sentier forestier défoncé qui nous sert de raccourci nous suivons une camionnette qui sème des planches derrière elle à chaque nid-de-poule. Nous contournons les paquets de planches qui dégringolent tous les 100 mètres. Excédé par nos appels de phares, croyant qu’on veut qu’il se range pour pouvoir le dépasser, le conducteur de la camionnette finit par s’arrêter pour nous engueuler. Mais en voyant ce qui reste de son stock de planches, il se prend la tête entre les mains, lance une bordée de jurons .. et nous le laissons au milieu des bois.
Arrivé à Eupen, nous cherchons un endroit pour manger un bout. On dégotte un petit resto indien, … où je commande logiquement une pizza ! Une bonne pizza « à la diavola » pour finir ce weekend sur une note piquante. A table, nous évoquons une biographie narrant toutes les anecdotes de la carrière de Jacques … il est trop tôt pour l’écrire, mais en tout cas la matière y est, et elle serait passionnante (et plutôt amusante si on a le droit de tout raconter).
En tous les cas, libéré de la charge des cours, Jacques Stotzem s’apprête à en écrire un nouveau chapitre !
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