Pourquoi les chansons font 3 minutes ?
Chaque fois qu’on pose la question de savoir pourquoi les chansons durent trois minutes, quelqu’un fait parler sa science et nous dit: c’est « passeke » tu vois en radio, si un morceau dure plus de trois minutes, les gens décrochent.
On ajoute parfois qu’une chanson doit pouvoir accrocher et convaincre rapidement, environ 50 secondes pour séduire, 1 minute pour construire, 1 minute pour conclure, rideau.
C’est faux ! C’est un cas typique de biais de corroboration à posteriori. On se contente d’une explication dont les prémisses sont postérieurs aux causes.
L’explication est historique et technique. Les limites techniques du disque de gramophone ont fixé le format standard des enregistrements, notamment leur durée. Vers 1910, le standard du disque de 10 pouces (25 cm) en 78 tours était le format le plus commun. Avec des aiguilles épaisses sillonnant des disques assez grossiers tournant à 3600 tours/minutes sur un rapport de 46:1, donnant la vitesse de rotation finale du disque de 78,26 tours, un disque de 10 pouces, n’offrait qu’une durée d’enregistrement de 3 minutes.
Les compositeurs ont adapté leurs œuvres à ce format, qui est devenu un canevas d’écriture. Les radios se sont accommodées de ce format et ont ajusté les coupures publicitaires et les annonces en fonction. Et les auditeurs en ont pris l’habitude.
Le format radio actuel est donc une conséquence résultante du format du format physique du disque, et non une cause.
Ce n’est que dans les années 60 que l’amélioration du mastering et la maîtrise de techniques de gravure plus fines ont permis aux artistes de dépasser cette limite technique … une durée inhabituelle qui n’a pas empêché le succès de titres comme « Hey Jude » des Beatles, de 7 minutes, ou « Like a Rolling Stone » de Bob Dylan, 6 minutes, ou les 8 minutes du Stairway to heaven de Led Zep. Pour « Like a Rolling Stone » de Dylan, l’éditeur a voulu coller au format radio, en coupant la chanson en deux, et en la répartissant sur les deux faces. Les radios diffusant malgré tout le titre dans son entièreté, démontrant que le mur des trois minutes était loin d’être une fatalité.
Avec les formats numériques, cette limitation n’a plus lieu d’être … et certains groupes s’en donnent à cœur joie, Dans certains styles de musique, comme le rock progressif, c’est même devenu une spécialité d’exploser le compteur, pour se donner le temps de développer le discours musical.
Maintenant, à l’écoute de certains tubes, il faut admettre que faire tenir debout plus de trois minutes une mélodie simpliste sur 3 accords, avec un groove efficace pour servir des paroles parfois décérébrées est un tour de force.
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