Allez hop, aujourd'hui je vous ponds un petit billet qui n'a aucun contenu musical, mais du contenu pédagogique. Pourquoi ne pas en faire un cours sur le site ? Et bien parce que ce n'est pas un cours, mais plutôt une réflexion sur l'apprentissage de la musique. Attention, ça risque d'être long.
Je suis tombé il y a un an ou deux sur une vidéo d'un bassiste (dont le nom m'échappe malheureusement, et ça me tue de pas le retrouver) qui donnait une masterclass, et qui expliquait les différentes étapes par lesquelles passait un musicien. Je vais commencer par vous exposer son point de vue, et j'ajouterais quelques réflexions personnelles en plus.
Pour faire simple, un musicien traverse quatre étapes dans son apprentissage :
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l'inconscience de nos erreurs : on est mauvais, mais on ne s'en rends pas compte. On a pas encore les connaissances ou l'expérience nécessaire pour se rendre compte que nos cordes frisent, que la guitare n'est pas accordée, que notre rythmique est à coté etc... C'est une étape généralement "agréable", vu qu'on joue et qu'on se fout de tout, on prends son pied. Jusqu'au moment ou les critiques arrivent, et là on passe à la deuxième étape.
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la conscience de nos erreurs : on est mauvais, mais on commence à s'en rendre compte. A force de progrès et de conseils, notre oreille se développe, nos connaissances musicales aussi, et on se rends compte de toutes les erreurs que l'on fait. C'est une étape très désagréable, puisqu'on a l'impression de ne pas savoir jouer, de ne pas progresser, ou pire, de régresser. Comme on dit souvent : plus on en apprends, plus on se rends compte de ce qu'il y a à apprendre. Par chance, avec du travail on passe à la troisième étape.
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la conscience de notre savoir : on devient bon, mais ce n'est pas naturel. A force de travail, on règle petit à petit nos défauts. Le soucis de cette étape, c'est qu'on est en permanence concentré, à faire attention à tous les détails afin de jouer correctement. La pratique n'est pas naturelle, c'est presque une corvée, et on se demande bien à quoi ça sert d'apprendre à jouer si c'est aussi pénible. C'est également une étape désagréable, parce qu'on ne peut pas vraiment s'éclater sur son instrument.
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l'inconscience de notre savoir : on est bon, et c'est naturel. Après beaucoup de travail, on arrive enfin à cette étape. C'est le moment magique ou on sait jouer, et on a même pas besoin d'y penser. C'est l'instant ou on peut prendre sa guitare, ne plus réfléchir à ce qu'on fait, et simplement prendre son pied. C'est sans doute l'étape la plus agréable de toutes, puisque la pratique de la guitare devient un réel plaisir. On sait jouer, et on le fait, aussi naturellement qu'on respire.
Voilà donc les quatre étapes telles que décrites par le bassiste. Malheureusement, ces quatre étapes ne sont pas linéaires, on est souvent ramené en arrière, et elles ne sont pas non plus "globales" : on a beau avoir atteint la quatrième étape quand il s'agit du jeu rythmique, on peut être toujours coincé à la deuxième étape pour le jeu solo.
Alors que faut il retenir de tout ça ?
Déjà que le travail de la guitare n'est pas une épreuve facile. On va passer beaucoup de temps à ne pas aimer ce qu'on fait, à être frustré, à ne pas pouvoir prendre son pied avant d'arriver à l'étape finale. A tel point qu'on va peut être regretter de ne pas être resté dans la première étape. Beaucoup de débutants ne dépassent malheureusement jamais la deuxième étape, tant la frustration de ne pas savoir jouer est grande à ce moment là.
Ca explique aussi tous ces moments de stagnation que l'on rencontre lors de l'apprentissage. Souvent, la stagnation cache en fait une progression que l'on ne peut pas chiffrer, pas mesurer. C'est notamment le cas lors du passage de la troisième à la quatrième étape : on bosse encore et encore les mêmes choses, mais on ne progresse plus. On a l'impression de stagner, mais on ne se rends pas compte que tout ce travail devient petit à petit de plus en plus naturel (même si il y a tout de même des vraies phases de stagnation sans aucun progrès dans l'apprentissage de la guitare).
Toutes ces étapes existent à différentes échelles : que ce soit au niveau de l'apprentissage "global" ou au niveau de l'apprentissage d'un morceau ou d'une technique. Lorsque vous commencez un morceau, vous ne vous rendez pas forcément compte tout de suite des ptites erreurs d'interprétation, de justesse ou de rythme. Après vous en prenez conscience, puis vous les travaillez pour les réussir, et finalement vous arrivez enfin à jouer le morceau parfaitement bien, sans avoir besoin de réfléchir au moindre détail. Ces quatre étapes sont valables pour tout ce que vous allez faire en guitare, à toutes les échelles, depuis le fait de tenir votre médiator jusqu'à la maitrise de l'improvisation jazz.
Plus on a d'expérience, plus on a appris de morceaux ou de techniques, plus le passage à travers ces étapes est rapide. Une bonne méthode de travail aide aussi à accélérer le processus. Rappelez vous le premier morceau que vous avez travaillé : vous avez sans doute passé des semaines et des semaines à apprendre les accords et leurs enchaînements, avec la bonne rythmique. Et il y a fort à parier que vous n'avez jamais atteint la quatrième étape. Maintenant regardez vous six mois ou un an plus tard : pour apprendre un morceau de difficulté similaire vous mettrez 20 ou 30 fois moins de temps, d'une part parce que vous vous êtes améliorés techniquement, mais d'autre part parce que vous savez aussi comment travailler correctement.
Le but de l'apprentissage d'un instrument, c'est la dernière étape. Un musicien accompli DOIT en être arrivé à cette étape. C'est là qu'on a le plus de liberté, on peut faire ce qu'on veut, on peut se focaliser sur l'interprétation et sur le fait de faire vivre sa musique sans avoir à se prendre la tête sur la technique. C'est le Graal de tout musicien. Il faut s'y préparer, et savoir que tant qu'on en est pas à cette étape, on ne prendra pas vraiment son pied à moins de rester à la première étape. Ca ne sert pas à grand chose de se lancer dans l'apprentissage de la guitare si on est pas prêt à aller jusqu'au bout, s'arrêter en plein milieu est très désagréable.
Conclusion
Du coup, armons nous de courage. A partir du moment ou on est conscient de tout ça, c'est beaucoup plus facile à gérer. Donc à tout ceux qui me lisent : n'hésitez pas à expliquer ça à vos amis guitaristes (ou autres instrumentistes), ça les aidera sans doute à prendre du recul sur leur situation, à mieux comprendre la frustration à laquelle ils font face, et donc d'une manière générale à mieux apprendre la guitare.
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