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Guitare Ovation "Folklore" , un soir de concert .


JoGuitar

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LES BELLES HISTOIRES DE TONTON PICKING .

 

C'était en octobre 1977 . Un très bel automne nous offrait encore de très agréables journées . Les radios Françaises , (pas encore "libres") , diffusaient d'ailleurs , plusieurs fois par jour , une "scie" de Jo Dassin : <"L'été Indien"> .

 

Dans cette lointaine (et formidable) époque , il n'y avait pas un week-end sans qu'une bonne dizaine de "Festival Folk" ne soit proposé , un peu partout en France . Les Bretons faisaient déjà très fort !

 

Il suffisait de consulter "Rock-and-Folk" (l'ancien) et on savait où aller faire la "teuf" le prochain week-end ...

 

C'était une époque très "militante" . Toutes manifestations , revendications ou rassemblements divers étaient prétextes à autant de scènes ouvertes aux musiciens de tous horizons .

 

Et , malgré une organisation souvent "bancale" , ces occasions de faire la fête attiraient un monde fou . Une simple remorque de tracteur , flanquée de deux gros baffles et couverte d'une bâche rudimentaire , en plein milieu d'un champs , transformait rapidement les lieux en sorte de "mini-Woodstok festif et ludique .

 

Baba-cools à perte de vue . Jean's , parka et Santiagues . Parfois , en passant tout près d'un "routard" , ça sentait un peu des pieds . Quand c'était une fille , en plus des pieds , ça sentait le patchouli ...

 

Les organisateurs étaient , la plupart du temps , des associations de défense de la saucisse du Larzac , des associations de préservation de la pêche à la carpe dans les étangs Auvergnat ou encore de simples "dissidents" de la M.J.C. du patelin d'à côté . Parfois , c'était beaucoup plus "militant" . A cette époque se construisaient les centrales nucléaires dont les énormes cheminées de refroidissement venaient gacher les paysages . Donc , CRAC , un festival "contre" ...

 

Précisons qu'à l'époque , il était de mise d'être "contre" tout ce qui était "pour" et "pour" tout ce qui était "contre" ...

 

Cette conjoncture était donc l'opportunité de fournir énormément de boulot à énormément de musiciens . C'était un véritable "Show-Business" parallèle . Une culture parallèle qu'un certain terrorisme intellectuel Parisien a dénommé , pompeusement , une "contre-culture" ...

 

Dans ce contexte , je jouais tous les week-end , aux quatres coins de l'héxagone . Les cachets étaient souvent ridicules . Mais , c'est le grand nombre de prestations qui permettait de se faire un excellent salaire , de cotiser et de payer les caisses (retraites , sécu et complémentaires) .

 

Ce vendredi soir d'octobre 1977 , j'arrivais donc , vers 17 heures dans un patelin près de Calais , dans le ch'Nord .

C'était déjà un joyeux bordel ! Une odeur de saucisses grillées et de frites se mêlait à une autre , très très courante dans les années soixante-dix .

Les organisateurs présentaient ce regard , comment dire ? Comment le décrire ? Oui , c'est ça , ces fameux "yeux de lapins" qui ne laissaient aucun doute sur la nature de ce qu'ils avaient "grillé" ...

 

Je devais assurer ma prestation de trois quart d'heure aux environs de 21 heures . J'ai donc fait mes "balances" . Ovation branchée directe dans la boîte de dérivation de la sono . Le gars de la technique , avec un stylo , sur une feuille de papier , notait consciencieusement les réglages . Je savais très bien que d'ici mon passage , vu l'état où il était déjà , le papier aurait servi à bien d'autres choses , avant d'être perdu à tout jamais ...

 

Je faisais confiance à mes propres réglages grâce à mon potard de volume et mon potard de tonalité . J'avais un Jack "blindé" . Je n'étais donc pas vraiment dépendant des "techniciens" , pleins de bonnes volontés , mais absorbés par d'autres "soucis" ...

 

De toutes façon , le "truc" des guitaristes est toujours le même ! Le mec de la sono te dit de mettre les potards à fond . Toi tu les mets sur huit et tu dit : <OK ! C'est bon> . Cela te donne lillusion d'avoir de la marge pour augmenter le son ! Tout ce que tu fais c'est saboter le boulot du technicien et de faire saturer ta belle gratte ! Mais les mecs de la sono connaissent la combine ...

 

Une règle d'or ! Quand on fait ce boulot , Lucidité absolue ! Il faut être au "top" pour apporter l'enchantement que réclame une "assemblée" de gens venus pour "l'éclate" ! Et , dans ces années-là , "l'éclate" , c'était quelque chose ...

 

Une fois la balance terminée , il était déjà dix-huit heures trente . Je quittais le lieu pour aller manger dans un bon restaurant des environs . Seconde Règle d'or : bien manger avec qualité dans une toute autre ambiance ! Avec un des organisateurs (encore "clair") , qui devient ton "copain" de la soirée et qui peut te conduire à l'hotel , comme convenu , après ta prestation ...

 

Retour vers vingt heures trente . Je vous raconte pas l'ambiance ! Un joyeux capharnaüm . Des gens assis partout , sur des couvertures ! Moi , qui ne fume même pas de tabac , je sentais tourner ma tête en me frayant un chemin dans une foule colorée . Ceux qui ont déjà eu le privilège de survoler une telle assemblé peuvent se rendre compte que cela fait penser à un dépotoir . Si ! Mais , attention , un dépotoir de très bonne qualité ! Rien de péjoratif ...

 

Les journées étaient peut-être encore très agréables , mais les nuits commençaient à être fraîches . Brrrrr ...Mais , en "vieux" pro , j'avais des gants en laine dans ma petite valise que j'avais laissé dans la grosse caravane qui servait de loge . Un joyeux foutoir d'ailleurs !!!

 

Troisième Règle d'or : toujours trimballer sa gratte avec soi ! Partout !

Il allait bientôt être l'heure de mon set . Me mettant derrière une sorte de feuille de carton , qu'un gentil "organisateur" , (complètement défoncé) , tenait à hauteur d'homme , je mettais mon 501 de scène (avec les revers comme Roy Rodger's) , mes bottes de cow-boy , ma chemise cow-boy et mon petit gilet de cuir (non pas de Stetson) ! Je pliais consciencieusement mes vêtements de ville . Je les plaçais dans la valoche et glissait la valise sous un tas de cartons vides et de fringues (je vous l'ai dit , un joyeux bordel) !

 

J 'empoignais mon étui de guitare (l'abjecte couleur caca des coffres Ovation) . Je traversais l'espace entre l'arrière de la "scène" et la caravane . Je montais les marches d'un escabeau de bois . Me voilà derrière une épaisse tenture , plus très fraîche . Je peux observer le groupe "Géranium" , venu d'Alsace , qui termine sa partie . Accordéon diatonique , guitare Martin D-18 , Psaltérion et chanteuse plutôt mignone .

 

Tonnerre d'applaudissements , mérités . Deux rappels . Discrètement j'installe le haut tabouret . Je branche ma gratte dans la boîte de dérivation . C'est mon tour ! A peine les musicos quittent la scène , je m'installe , j'ouvre le volume et j'attaque . Pas de temps morts ! Surtout pas !

 

Blue Ocean Echos de Chet Atkins . Suivi de Cannonball Rag de Merle Travis . Puis , comme ça "mord" , j'attaque mes compos de l'époque . Dans ce métier , le plus excitant est de jouer ses propres compositions .

Parce que si c'est pour rabâcher les mêmes sempiternelles déclinaisons des même éternels morceaux (comme les guitaristes sur You Tube), c'est plutôt ennuyeux (des "covers" qu'ils disent , d'un air inspiré) . Et , à cette époque , jouer les "machins" des autres , ça passait très mal ! C'était une époque créative . De plus , si on veut toucher ses droits SACEM , la meilleure solution est de jouer ses propres créations (déposées) ! Et les droits SACEM ne sont pas négligables !

 

Trois quart d'heure qui passe comme cinq minutes dans la vie "normale" ! Deux rappels . Puis , retour à l'étui derrière la tenture bleue (putain comme elle est dégueulasse de ce côté-ci) . Descendre l'escabeau . Retour à la caravane . Putain , la fumée ! Invraissemblable ! L'odeur !!!

Plus personne pour tenir la feuille de carton ! Mais les gens présents ne sont pas vraiment regardants (yeux de lapin mort) ! Il y a autant de monde dans la caravane que devant la scène ! A travers l'épais nuage de fumées diverses , je pouvais découvrir des visages hilares et des gens avec des sourires de déficients mentaux ! Je me change . Je récupère mes affaires (et mon chèque ainsi que les vignettes sécu que me remet le seul mec encore lucide de la caravane) et direction l'hotel !

 

J'arrive dans un de ces hotels de province des années soixante-dix . Ils se ressemblaient tous ! Les musiciens de Géraniums sont là . Ils discutent avec Dick Anegarn , peu connu à l'époque . Avec son accent flamand , il parlait d'une histoire de spectacle qui avait mal tourné en Belgique . Je remarque les deux filles qui font partie d'un groupe de musique "Folk" de Nice ! Pas mal du tout (les filles et le groupe) . Dans un coin , il y a un joueur de Finger-Picking , qui accompagne une chanteuse au look invraissemblable (un hybride de cromagnon , néanderthal et d'Anne-aymone , période "Grand Chemin"), chaussée de sabots !..

 

Il est près de minuit . Je baille . Je prends congé de tout ce petit monde interlope et je monte me coucher . Demain matin , j'ai mes trois heures de gratte pour être au "top" . A midi trente , j'ai un train qui doit m'emmener à Lille pour le spectacle du samedi soir , organisé par le mouvement syndicale des producteurs de champignons .

Même ambiance , même style de scène , même style de caravane ...

 

Mêmes yeux de lapins ...

 

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JoGuitar on Youtube : http://www.youtube.com/bigerjoel

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